Le Guide Ali Khamenei a désormais une page sur Facebook. La nouvelle peut surprendre, ce réseau social étant censuré en Iran depuis les manifestations qui ont suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence, en 2009. La mise en ligne a été annoncée, samedi 15 décembre, sur un autre réseau censuré, Twitter, où le Guide dispose d’un compte depuis 2009.
Sur Facebook, quelques plaisantins se sont empressés de commenter l’arrivée du Guide directement dans sa page : “Le Guide utilise-t-il aussi un logiciel pour contourner la censure ?”, demandait un utilisateur, faisant référence aux Virtual private networks (VPN) qu’utilisent les Iraniens pour contourner les barrages mis en place par l’Etat. “Bienvenue dans le camp des anti-filtrage”, encourageait un troisième.
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L’Iran est l’un des régimes qui encadre le plus sévèrement l’Internet, avec la Chine et Cuba, selon le dernier rapport de l’ONG Freedom House. Les autorités soutiennent que Facebook, Twitter et YouTube collaborent avec la CIA, et travaillent activement à répandre les “valeurs perverses” de l’Occident dans le pays. Ainsi, Ali Khamenei a toujours critiqué les réseaux sociaux dans ses discours publics. En septembre 2010, il condamnait l’inféodation supposée de Twitter au gouvernement américain :
“L’an dernier, durant le mouvement de sédition [les manifestations de 2009], nous avons appris que l’un des réseaux sociaux [Twitter], qui répercutait des informations d’ici [d’Iran], et envoyait des ordres de là-bas [des Etats-Unis], qui encourageait les protestataires à descendre dans la rue, nous avons appris que ce réseau voulait fermer pour une opération de maintenance. Le gouvernement américain les en a empêché, disant : ‘si vous faites cela maintenant, cela fera du mal au mouvement d’opposition iranien.’ Le réseau a donc été forcé de repousser ses réparations.”
Cette position officielle n’a pas empêché l’équipe du Guide de tweeter plus de 3200 fois en son nom, rassemblant plus de 7 000 abonnés. Sans surprise, le Guide ne suit personne en retour. Sur Facebook, lundi soir, il rassemblait déjà plus de 2 000 abonnés.
Derrière les lignes ennemies
Dans une interview donnée au magazine Hamshari en 2010, l’administrateur du site officiel du Guide, qui publie en 10 langues, avait expliqué avoir décidé de décliner son action sur les réseaux sociaux dès 2009, sans préciser si le choix s’était fait avant ou durant les manifestations. Il soulignait notamment “la rapidité de diffusion” que ces réseaux permettent.
Pour l’organisation Small medias, qui soutien et équipe des activistes iraniens en ligne, le Guide a développé un double discours : “Lorsqu’il doit justifier son utilisation des réseaux sociaux, qu’il condamne régulièrement, le Guide suprême explique qu’utiliser des outils promus pas l’Occident équivaut à combattre derrière les lignes ennemies.”
Aujourd’hui, le Guide est également présent par l’image sur Instagram. Et en octobre dernier, durant un déplacement dans le nord du Khorasan, province frontalière de l’Afghanistan, son équipe avait cartographié son itinéraire en utilisant Google maps.
source : lemonde.fr